Il serait facile d’oublier. 

Et peut-être cela ne changerait rien. A Moissac, des centaines d’enfants juifs ont pourtant été sauvés de la mort qui leur était promise dans les camps nazis. Emmenés par Shatta et Bouli Simon, cadres éclaireurs israélites, des hommes et des femmes ordinaires ont caché ces enfants, fourni des faux papiers, créé des certificats de baptême… Tout le monde savait, personne ne les a dénoncés.

Ces Justes parmi les Nations ne cherchaient pas les honneurs, certains resteront anonymes, le nom de quelques uns est maintenant gravé dans la pierre de Yad-Vashem. Les enfants juifs de Moissac ont grandi et se sont éparpillés à travers le monde, mais de même qu’ils s’étaient retrouvés pour le premier shabbath après la Libération, ils reviennent à Moissac pour la nostalgie et le souvenir de ceux à qui ils doivent de vivre.

Moissac ville de Justes oubliée entretient ce lien par delà les mers et les années. Créée et animée par Denise et Jean-Claude Simon, cette association a organisé un premier colloque au printemps 2013 et, avec le concours du Comité français pour Yad-Vashem, a œuvré pour que la promenade située au pied du Moulin de Moissac s’appelle Esplanade des Justes parmi les Nations. A l’occasion du soixante-dixième anniversaire de la libération de Moissac, le 20 août 2014, grâce au Comité français pour Yad-Vashem et à son président d’alors, Jean-Raphaël Hirsch, deux Justes parmi les Nations ont été ajoutés à ceux déjà nommés. 

Un deuxième colloque a réuni les villes de Dieulefit, Le Chambon-sur-Lignon et Moissac en 2016 ; des rencontres ont été organisées à Luxembourg ; un parcourt mémoriel a vu le jour à Moissac en 2022 et l’année suivante, l’Office National des Anciens Combattants a patronné plusieurs manifestations en Tarn-et-Garonne. 

Au-delà de celles et ceux qui ont survécu grâce à Shatta, Bouli, ceux qui les ont suivi, grâce aux Justes de Moissac, l’association œuvre et continuera de le faire pour laisser un fanal, un signe adressé aux générations futures, parce qu’il serait facile d’oublier. 

Et parce que sauver une vie, c’est sauver l’Humanité.

bouli et shatta simon

Les Éclaireurs Israélites de France (EIF), mouvement intégré au scoutisme international, possédait à Moissac une grande maison au lieu-dit Charry qui accueillait chaque été des enfants juifs venus en majorité de Paris et sa banlieue. Centre de vacances en forme de kibboutz, ce lieu avait vocation de loisir et d’éducation. Quand à l’automne 1939 la guerre est déclarée, deux cadres des EIF pressentent que les pires jours de la diaspora juive vont survenir, ils d’installent à Charry en décembre et préparent les vacances 1940 avec l’idée que les enfants resteront à Moissac après la fin de l’été.

Ils s’appellent Sarolta Hirsch et Edouard Simon. Ils ont à peine trente ans, ils sont mariés depuis quelques années et amènent avec eux un petit garçon qui n’a que trois ans. Proches de Robert Gamzon, fondateur des EIF, ils jouent un rôle de premier plan dans l’organisation et seront très impliqués dans les réseaux de résistance juive qui ont permis le sauvetage de milliers d’enfants, cachés sous de fausses identités ou exflitrés en Suisse. Pour tout le monde ils sont Shatta et Bouli.

Ils ont créé la Maison de Moissac, dans laquelle quelques 500 enfants se sont succédé entre 1940 et 1943, puis après la Libération, de 1944 à 1951. L’audace et le charisme de Shatta, la rigueur et l’organisation de Bouli imposeront aux moissagais la présence de ces enfants. Personne ne les dénoncera, personne ne les rejettera. La complicité silencieuse de Moissac, l’engagement de quelques personnes, dont les noms sont aujourd’hui gravés dans la pierre de Yad Vashem, la présence inébranlable de Shatta et Bouli feront qu’aucun des enfants ne sera déporté. Tous survivront. Tous auront eu une enfance presque normale dans une famille qui comptait plusieurs dizaines d’enfants à la fois.

Cette histoire est restée sous silence pendant de longues années après 1951. Shatta estimait que sauver des enfants est un geste normal et qu’il n’y avait pas lieu de s’en glorifier ou d’en être honoré. Elle et Bouli ont pourtant aujourd’hui leur portrait en grand sur un mur du Mémorial de la Shoah à Paris et le B’nai B’rith World Center les a cités « Sauveteurs des Juifs ».

Après Moissac, ils ont dirigé une fondation qui accueille toujours des enfants en difficultés au château de Laversine à Saint-Maximin dans l’Oise. Affiliée à l’OSE (Œuvre de Secours aux Enfants), cette maison porte leurs noms. Ils se reposent désormais au cimetière du Mont des Oliviers à Jerusalem.

l’appel de Roger delthil

Lorsque la guerre est déclarée, Roger Delthil est le sénateur maire radical de Moissac. Humaniste, il rappele que lors de la grande inondation de mars 1930 au cours de laquelle 131 personnes moururent, des aides venues du monde entier permirent à la ville de se relever.

Il a donc inciter ses concitoyens à accueillir des réfugiés venus principalement du nord de la France, de la Belgique, des Pyas-Bas…

C’est dsance contexte que Shatta et Bouli vont reccevoir des enfants fuyant le nazisme de la région parisienne, de l’Alsace et de l’Allemagne.

de charry au moulin…

Le manoir de Charry accueillait le centre de vacances des Éclaireurs Israélites de France (ci-dessus). C’est aujourd’hui un lieu de réception et de séjour touristique.

Après la Libération, les maisons du quai du Port ne peuvent accueillir tous les enfants, anciens de la Maison ou orphelins sans domicile, qui affluent en grand nombre. La municipalité de Moissac met à la disposition de Shatta et Bouli, l’ancien moulin devenu hôtel, pour y loger les plus grands et y installer un centre de formation dont les jeunes moissagais pouvaient aussi profiter.

Ci-contre, le moulin en 1945 et au-dessus, le moulin de nos jours, redevenu un hôtel.

…le 18 quai du port

En 1940, l’Ètat français, présidé par Philippe Pétain, doit bien tolérer la présence des enfants juifs à Moissac de par leur appartenance à un mouvement scout, les Éclaireurs Israélites de France. À ce titre il réquisitionne un ensemble de maisons situées quai du port dont le point central est au numéro 18.

Fin 1942, la zone sud est occupée par les armées nazis; les enfants sont dispersés dans des familles qui les cachent ou expfiltrés en Suisse par les réseaux de résitance.

Aujourd’hui, l’endroit est devenu la place Shatta et Bouli Simon, les maisons existent toujours.

la chorale

De nombreuses activités étaient organisées en intérieur comme en extérieur. Une des plus emblématiques, la chorale, a été un extraordinaire moyen de cohésion entre ces enfants revenus de l’horreur.

Dirigée par Henri MILSTEIN, sa notorité a largement dépassé les limites de Moissac. Voici les extraits d’un concert donné au théâtre du Capitole de Toulouse.

le parcours mémoriel

En 2022, des élèves du lycée François Mitterrand de Moissac ont conçu un parcours dans la ville rappelant les principaux lieux de vie des enfants juifs entre 1940 et 1951.

Ce parcours fut inauguré le 13 octobre 2022 par Patricia Mirallès, secrétaire d’État chargée des Anciens combattants.

Déjà en 2010, Albert PERELMAN nous emmenait en visite…

Le plan du parcours (cliquer sur l’image pour l’agrandir)

Nicoles Ribowski, Patricia Mirallès et Jean-Yves Laneurie lors de l’inauguration

hazak

Jocelyne et Albert PERELMAN ont sorti ce film de leur collection. Réalisé en 1945 par Georges ARNSTAM à la demande des Éclaireurs Israélites de france, il fait la part belle à la maison de Moissac.